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| Miguel Espinoza • MESSAGES : 7
| 02.08.18 23:30 | |
| ▬ C'est pour les romantiques, Miguel, ces histoires. Vis avec ton siècle un peu, tu veux ? Aujourd'hui, personne ne tombe sous le charme en un seul rendez-vous. J'ai promis à la mère d'Isabel que tu irais, ne me fais pas honte.
Adelita dévisage son fils - puis le toise, de haut en bas, et s'approche à pas pressés pour remettre son col en place et fermer le dernier bouton. Miguel feint d'étouffer, tousse un peu, puis lève les yeux au ciel - il le défera aussitôt dehors, mais il est inutile de contrarier sa mère encore plus qu'elle ne l'est.
▬ La honte, Mamà, c'est que ce soit vous qui organisiez nos rendez-vous. On est tous les deux majeurs, tu sais ? C'est juste... Bizarre que vous fassiez vos magouilles dans votre coin.
Adelita secoue la tête vivement et le pointe du doigt. Elle fait ça sans ajouter un mot, avec un air menaçant à peine dissimulé. Lui se contente de lever les bras en guise d'abandon - le lâche. Il embrasse sa mère et tourne les talons. Il est hors de question qu'il aille à un nouveau rendez-vous avec Isabel en ressemblant à un pingouin enfermé dans un costume qu'il met pour faire le trajet qui le sépare de son appartement au restaurant - on ne sait jamais, des fois que quelqu'un le croise à ce moment-là - et hors de question aussi qu'il garde cette chemise - trop boutonnée - qui sent le graillon. Certes, il n'a pas eu l'impression que le premier rendez-vous ait été transcendant pour elle, mais il ne tient pas à la dégoutter avec ses odeurs de bouffe. Sa mère pouvait insister tout ce qu'elle voulait, la vérité, c'est que sachant le rendez-vous était pris, il ne se serait jamais permis de lui foutre un lapin. Il est quand même bien élevé - un peu à la dure parfois par ses parents qui pourtant, il le sait, font de leur mieux. Et ont toujours fait de leur mieux. Il n'est pas toujours aisé d'être d'origine mexicaine quand on habite San Francisco - peut-être encore moins en étant un homme - et ses parents ont tenté de le préserver de ces choses-là.
Il rentre chez lui, traversant les rues à la chaleur étouffante de son quartier. Il a décidé de partir de chez ses parents il y a quelques années, mais il s'est installé à proximité, pour pouvoir veiller sur eux. Souvent, les gens du quartier lui demandent pourquoi il n'est pas parti plus loin. La famille est trop important pour qu'il s'éloigne. Il a besoin de savoir qu'il peut veiller sur les siens.
Il lui faut à peine quelques minutes pour prendre une douche, se débarrasser des odeurs, et enfiler une chemise plus légère sur un jean. Il glisse une main dans ses cheveux pour les démêler sans conviction, et attrape ses affaires pour repartir. Il doit retrouver Isabel dans un restaurant recommandé par sa mère - parce que les deux mégères ne peuvent rien faire dans la discrétion et la simplicité, en choisissant par exemple un bar avec un peu de musique pour combler d'éventuels blancs. Elles sont obligées de les pousser jusqu'à un restaurant où ils vont devoir échanger des banalités sur leurs vies respectives dont ils ne connaissent pour l'instant pas grand chose. L'idée l'angoisse un peu, Miguel. Il a toujours l'impression qu'il sera ennuyeux.
Il arrive pile à l'heure, et laisse un serveur souriant l'installer sur une table un peu isolée, sans pouvoir s'empêcher de lever les yeux au ciel à l'idée que sa mère ait éventuellement pu faire de la position de la table une demande expresse. Il décline la proposition du serveur de commander un verre, et attend plutôt qu'Isabel n'arrive, en jouant avec la nappe blanche, impeccable et immaculée, qui glisse sous ses doigts. Souviens toi de ne pas critiquer les plats, il se souffle, en ne relevant les yeux, s'extirpant de ses pensées, que lorsqu'Isabel fait son apparition à côté de la table. Alors, il se lève et lui offre un sourire.
▬ Salut, il lance. Tu as trouvé facilement ?
Voilà. Une conversation basique, légère. Petits pas par petits pas, ils vont bien finir par y arriver.
▬ J'arrive pas à croire qu'elles nous aient envoyés ici.
Il attend qu'elle s'asseye pour l'imiter, gentleman, et glisse sa serviette sur ses genoux. |
| Isabel de la Vega • MESSAGES : 318
| 07.08.18 16:32 | |
| - Tout ce que je dis, c’est que c’est un peu arriéré comme méthode…
Si Isabel a gentiment demandé à ses compagnons de cluster – surtout Oskar – de ne pas l’interrompre aujourd’hui, cela n’empêche pas Audra de la suivre jusqu’au restaurant. Et d’être on ne peut plus vocale quant à sa vision des choses. Isabel ferme les yeux et soupire, ce qui s’avère être une erreur – son haut talon se prend dans un défaut du trottoir et elle manque de finir tête la première sur le béton. Audra se contente de ricaner à voix haute, évidemment.
- Et si t’en parlais à la mère de Naveen, voir ce qu’elle en pense ? Isabel ne peut s’empêcher de commenter. Elles savent aussi bien l’une que l’autre à quel point les parents de Naveen sont conservateurs, et à quel point il serait bien impossible de leur faire changer d’idée sur le fait que leur fils doit se marier, et rapidement. Même chose pour Isabel. Différente culture, même galère.
- Je pense juste que… Audra continue, avant de soupirer doucement. Tu devrais pas avoir à faire ça.
Isabel sait que son amie ne lui veut que du bien, évidemment, et c’est pour cela qu’elle se contente d’afficher un sourire qui se veut rassurant. La rue qu’elle traverse est déserte, alors elle s’offre le privilège de s’arrêter et de faire face à la canadienne. Nul besoin de paroles entre elles – elles se comprennent d’un regard, et il n’en faut pas plus à Audra pour abandonner la partie. Pour aujourd’hui du moins, Isabel ne doute pas le moins du monde qu’elle remettra cela sur le tapis dès qu’elle en aura l’occasion. Mais, pour l’instant, Audra se contente de prendre Isabel dans ses bras, un câlin qui dure quelques secondes avant qu’elle ne disparaisse à nouveau pour Toronto.
Isabel regarde autour d’elle rapidement, avant de jeter un œil à son téléphone. Il ne manquerait plus qu’elle soit en retard, tiens. Mamá ne lui pardonnerait pas, penserait qu’elle l’a fait exprès pour ruiner le rendez-vous. Mais ce n’est pas sa faute, si ces stupides talons hauts la ralentissent, elle qui a l’habitude de tout faire en baskets et en t-shirt. Avec ses jolies chaussures et la robe qu’elle a empruntée à la voisine, sans compter sur le rouge qu’elle a appliqué sur ses lèvres, elle a l’impression d’être une Barbie latina plus qu’autre chose. Un rôle à jouer, rien de plus.
Miguel est déjà là quand elle arrive finalement au restaurant – un endroit parfaitement au-dessus des moyens des De la Vega. Comme pour avoir la preuve que Miguel peut s’offrir ce genre de repas sans rechigner, comme pour le tester sur ses moyens financiers. Typiquement Mamá, évidemment. Quitte à forcer Isabel dans une relation, autant ne pas la pousser dans les bras du fracasado du coin.
- Google Maps fait des miracles, tu sais, ne peut-elle s’empêcher de plaisanter légèrement à la question de Miguel.
C’est pour cela qu’ils sont là, après tout. Apprendre à se connaître, ce qui passe toujours par l’humour d’Isabel. Elle regarde autour d’elle, cet étalage de richesses auquel elle n’est que très peu habituée. Ca change du deli du coin, c’est certain.
Elle passe sa langue sur ses lèvres, un geste nerveux plus qu’autre chose. Elle n’a jamais été vraiment fan de tout cela, les premiers rendez-vous et les conversations forcées, les rires crispés et les mensonges à demi-ton. Devoir parler d’elle, sans pouvoir parler des autres dans sa tête. Prétendre être normale. Humaine. Elle détourne le regard, et joue nerveusement avec ses doigts sous la nappe.
- Mais j’imagine que tu as plus l’habitude que moi de ce genre d’endroits.
Ou comment mettre les pieds dans le plat d’entrée de jeu. Pour ce qui est de la normalité, c’est un peu raté.
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| Miguel Espinoza • MESSAGES : 7
| 13.08.18 22:27 | |
| Voilà qu'Isabel passe finalement la porte du restaurant à son tour, le rejoignant à sa table. Personne, dans le voisinage ou l'entourage de Miguel, n'a jamais menti concernant la beauté de la jeune femme. Elle est belle - c'est indéniable. Miguel lui offre un sourire aimable quand elle arrive à sa hauteur, se lève légèrement de sa chaise pour accompagner son geste lorsqu'elle s'assoit. Il a été éduqué comme ça, Miguel, avec cette espèce de galanterie qui peut tout autant faire sourire qu'agacer, au fond, il en a bien conscience. Mais c'est automatique. Il joue un peu avec la serviette pliée au milieu de son assiette et rit à sa blague.
- C'est vrai, j'avais oublié les miracles opérés par les téléphones portables.
Il sourit, un peu vieux jeu peut-être. Il pourrait répondre par l'humour, mais Miguel n'est pas tout à fait détendu - la faute de sa mère, sans aucun doute. Si elle ne lui donnait pas perpétuellement l'impression qu'il est en train de passer un test, avec ces rendez-vous arrangés. Alors il se plonge un instant dans le silence, et son regard, suivant celui de la jeune femme, toise les alentours. Les couples, les familles pleines de ressources qui viennent dîner ici. Dans l'esprit de Miguel, ce restaurant ressemble à l'endroit où il travaille - et il sait déjà qu'il trouvera sans doute beaucoup à redire sur le menu et le reste. Ces appréhensions gustatives l'empêchent d'analyser à quel point l'endroit peut sembler tape-à-l'oeil ou luxueux. Dans son esprit perfectionniste, ce qui importe, c'est ce qu'il va manger, et si présomptueux cela sonne-t-il, il est presque certain qu'il y trouvera à redire par rapport à ce qu'il aurait pu servir, lui.
A ce qu'il aurait pu lui servir à elle.
- Je travaille dans un endroit qui ressemble à celui-là, finit-il par confirmer dans un haussement d'épaule un peu distant. J'imagine qu'on peut considérer que c'est une forme d'habitude, de fait, du coup. Cela dit, quand je vais dîner dehors, habituellement, je ne viens pas dans ce genre d'endroits - si ça peut te rassurer.
Il ne sait pas pourquoi, mais il éprouve le besoin de se justifier. Un peu. Peut-être parce qu'il n'a pas envie d'être perçu comme un gosse de riches trop chanceux, insolent et sans intérêt. Avec des moyens supérieurs.
- Je les attends au tournant sur tous les plats, confesse-t-il dans un sourire. Tu veux boire quelque chose pour commencer ? |
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