David Cooke - A war is coming and we're stuck here, with our mini pains, with our little tears

La nuit s’était lentement glissée sur Londres, englobant avec paresse la capitale britannique, sans se presser, s’installant confortablement sans que personne ne puisse se dire que la nuit était tombée. L’obscurité avait croit progressivement et s’était installée sans attirer l’attention, tout comme l’entrepôt qu’elle couvait en silence.

Le bâtiment en lui-même était si calme qu’on aurait pu le penser désert. Vu de l’extérieur, le QG de l’Archipelago ne payait certes pas de mine. Troublant soudainement l’apparente tranquillité du paysage, une silhouette fends les ombres, remontant la rue, une main fourrée dans une des poches de sa parka, la seconde fermement crispée autour d’un sac plastique de supermarché.

L’homme s’immobilise devant la porte en ronchonnant dans sa barbe. Déposant ses courses sur le sol, il palpe un instant ses diverses poches, craignant l’espace de quelques brefs instants qu’il a commis l’immonde bêtise d’oublier ses clefs. Heureusement, il finit par sortir le petit bout de métal argenté de la poche de sa chemise.

— Saloperie de clef de mes deux, jamais là où j’pense te trouver ! J’t’en ficherais moi des porte-bonheur de mes deux…

Sans plus attendre, il déverrouille la lourde porte de l’entrepôt, faisant tinter par la même le porte-clefs qu’un sensitif lui avait offert après qu’il l’eut aidé. Le grelot était censé lui apporter bonne fortune, et si Cooke ne manquait pas une occasion de blâmer le petit bout de métal pour chaque crasse qu’il lui arrivait, l’objet avait pour lui une forte valeur sentimentale.

Non sans jeter un œil autour de lui sans en avoir l’air, l’homme se glisse à l’intérieur du bâtiment, s’empressant de refermer à double tour derrière lui, son sac de course à nouveau. Son air ronchon toujours bien accroché au visage, il se remet en route, empruntant plusieurs couloirs avant d’ouvrir sans délicatesse la porte d’une petite chambre, faisant sursauter violement le jeune homme assis sur le lit.

— Monsieur Cooke ! Vous m'av...
— J’t’ais déjà dis d’pas m’appeler comme ça gamin, moi c’est David. Je t’ais apporté d’quoi becter. C’pas d’la haute gastronomie mais faudra s’en contenter…

Sans plus de cérémonie, le plus âgé laisse tomber son chargement sur la table basse, dévoilant par la même quelques cannettes de boissons énergisantes et autres sodas, deux bouteilles d’eau, un pain et deux paquets de jambon. Un ange passe et le silence s’installe. David se laisse tomber sans douceur sur une chaise. Les yeux vert émeraude du plus jeunes restent un instant bloqué sur l’aîné avant de retomber sur les provisions qu’il venait de lui apporter. D’un geste hésitant, l’adolescent en fuite tends la main vers une bouteille d’eau.

— Monsie…, Un haussement de sourcil grisonnant l’incitèrent à se reprendre, David… Pourquoi est-ce que vous m’aidez ?

Il faut un certain temps à Cooke pour répondre, comme s’il n’était pas certain lui-même des raisons qui le poussaient à prendre de tels risques pour une brochette d’inconnus. La vérité, c’est pourtant que ses convictions raisonnent profondément avec l’indignation qu’il ressent face à la situation des sensitifs, auquel vient se rajouter l’écho de la perte de sa femme, tel un catalyseur. Mais le vieux baroudeur n’avait pas pour habitude de se confier, certainement pas au premier venu. Aussi lui fallut-il un peu de temps pour organiser sa pensée avant de se pencher en avant, appuyant ses coudes sur ses genoux pour regarder le plus jeune droit dans les yeux.

— Tu s’rais étonné d’apprendre, gamin, que le monde n’est pas peuplé uniquement de brutes avilies par la peur de ce qu’elles ne peuvent pas comprendre. Il y a et il y aura toujours des gens prêts à se battre et à défendre une cause qui leur semble juste. Y a un type, dans l’temps qui a dit un truc du genre que le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire.
— Alors… Ça n’a rien à voir avec votre femme ?
— Qui t’as parlé de Gillian ? , répond-t-il sur un ton tranchant, presque agressif.
— Miss Fowler…
— Laura devrait apprendre à se la fermer de temps en temps. Y a rien d’intéressant à savoir la dessus…
— Mais elle m’a dit que votre femme était une sensitive. Qu’elle est tombée aux mains de la BPO…
— Ca suffit j’ai dit !

Peu désireux de faire étalage de son deuil devant cet ado à peine tombé du nid, il se lève sèchement, refoulant au mieux sa colère et la pléthore de mots qu’il regretterait forcément d’avoir laissé échapper.

Désireux d’épargner à son protégé actuel l’accès de rage sourde qui vient généralement à la mention de feu sa chère et tendre tout autant qu’il est lui-même désireux de fuir une possible nouvelle confrontation avec ces événements passés, il ne demande pas son reste avant de se diriger vers la sortie, laissant la porte ouverte derrière lui alors qu’il marche d’un pas furieux vers la sortie.