you would not believe your eyes | (feat. oskar)

En soit, la chose n'est pas si commune que ça, même en Afrique du Sud. Toutefois, les habitants se sont accoutumés à la présence de ces petites bêtes sur la route. Là où l'Australie a ses alligators, le Canada ses grenouilles et ses caribous, et l'Europe ses vaches et sangliers, le Cap, lui, connait une traversée de pingouins impressionnantes par certains standards non sud-africains.  Louise n'en est pas à sa première expérience. Enfant, elle était fascinée par ses créatures, et passaient des heures entières à les contempler à travers la vitre de la voiture, attendant que les autorités règlent le souci. Des années plus tard, et rien n'a terriblement changé, si ce n'est que Louise n'est plus aussi impressionnable qu'elle ne l'était enfant. Au volant de sa voiture et en route pour rentrer chez elle, la sensitive contemple toujours autant ces petites bêtes adorables, un léger sourire aux lèvres, tout en constatant, qu'autour d'elle, la plupart des passagers ne partagent pas son sentiment. Des coups de klaxon retentissent de toutes parts, comme si cela allait arranger la situation plus vite. En réalité, elle ne fait que l'empirer, effrayant les pingouins et les éparpillant un peu partout, au plus grand damne des autorités, qui font de leur mieux pour ramener les oiseaux sur la plage le plus vite possible, sans causer  un quelconque accident. Mais les klaxons répétés et énervés des automobilistes ne va pas en arrangeant la chose. Louise lève les yeux au ciel, excédée par un tel comportement. Elle-même n'a jamais compris l'obsession de certains pour exprimer leur impatience en klaxonnant comme des abrutis. En plus d'énerver encore plus les gens, cela ne servait strictement à rien.

Sachant pertinemment qu'elle risque d'être là pour une bonne petite heure, au minimum (si tout se passe pour le mieux, et que tous ces idiots se décident enfin à se comporter civilement et à ne plus effrayer ces pauvres bêtes), Louise coupe le moteur et baisse la vitre, appréciant l'air, pourtant chaud, mais terriblement agréable des côtes. Apercevant un voisin de route, ayant lui aussi la vitre baissée, elle tente le tout pour le tout en engageant la conversation : s'ils doivent rester là pour un petit moment, autant s'occuper et faire de nouvelles connaissances. Après tout, ce n'est pas faute de ses parents de tenter de la rendre beaucoup plus sociable. Des amis virtuels, c'est bien, mais la réalité, c'est encore mieux. Sans parler des sept autres personnes qu'elle hallucine et prétend voir tous les jours. La folie la guette, elle en est certaine. Et bien que se lier d'amitié avec un type qu'elle n'a jamais vu de sa vie sur une route remplie de pingouins, en chemin pour rentrer chez elle, soit compliqué (voir même utopiste), elle espère au moins pouvoir faire connaissance, assez pour s'en féliciter plus tard. Il n'y a aucun souci à se faire, la situation devrait s'arranger dans une petite heure s'il n'y a pas d'accrocs. Ces petites bêtes sont bien plus effrayées que nous. Elle lui adresse un sourire, espérant ne pas passer pour une cinglée. Elle n'a jamais vraiment été douée pour les relations humaines, malheureusement. Vous n'êtes pas originaire du Cap, n'est-ce pas ? A en juger par son visage, un tel rassemblement d'oiseaux sur la route ne devait pas être monnaie courante par chez lui.

Les vacances pour Oskar, le pied ! Avec un job au bar et des projets bien spécifiques pour le bar en question, disons que le brun n'a pas eu tellement le temps de chômer et de prendre quelques jours pour lui récemment. Cela va faire un an d'ailleurs qu'il n'est pas allé voir ses cousins au Cap, et lorsqu'il a eu l'opportunité de partir, il ne s'est pas vraiment fait prier, commandant un billet pas cher sur internet, pliant bagage avec la rapidité de l'éclair au sein d'une compagnie douteuse. Avec la météo rafraîchie de Varsovie, il doit admettre que prolonger un peu l'été en profitant de températures douces et du soleil lui fait du bien. C'est alors détendu qu'il s'est organisé un Road trip en solo pour visiter le coin en écoutant le dernier album d'Ed Sheeran. Il connaît la route, ce n'est pas la première fois qu'il se rend au Cap de Bonne Espérance, mais c'est la première fois en revanche qu'il se retrouve nez à nez avec des pingouins bloquant la route et provoquant un gros bordel accompagné de bruits de klaxons en tout genre. « Co do kurwy nę-. » Il commente sans finir sa phrase et en faisant des yeux ronds. Il coupe le moteur et jette un regard de côté. Une voisine de route vient de lui adresser la parole, et commente la situation avec un calme qui ne peut résulter que de l'habitude. Oskar hoche la tête et se met instinctivement à baragouiner en anglais pour se faire comprendre de son interlocutrice à qui il sourit amicalement. Le Polonais n'est pas mauvais, après tout il travaille dans le centre touristique de Varsovie dans l'un des meilleurs bar que l'on peut trouver dans la capitale polonaise. Bien évidemment il a eu affaire à des touristes, ce qui lui a permis de s'en sortir avec un niveau suffisant pour entretenir une conversation, même si ne nous voilons pas la face, il est surtout doué pour commenter et différencier les 150 types de bières qu'on vend à Piw Paw. « Non de Varsovie, je rends visite à de la famille, première vacances depuis un moment. Je dois dire que je ne m'attendais pas vraiment à me faire arrêter par des pingouins. Ca arrive souvent ici ? » C'est quand même bizarre. Bon des choses bien bizarres arrivent en Pologne aussi hein, surtout à Pâques quand on sait que les jeunes filles se prennent des seaux d'eau glacée sur la gueule si elles sortent dans la rue ce jour là, mais tout de même il ne dirait pas non à une explication de ce petit fait local. Puisqu'ils ont une heure à perdre ici, il ne dit pas non à la visite touristique. Oskar a toujours aimé en apprendre plus sur les cultures différentes et les petites histoires qui font partie du folklore d'un pays, et puisqu'il est en vacances au Cap, autant revenir en Pologne avec plein de truc à raconter au comptoir, ça fait passer le temps. Et ça permet de draguer en prime.

La fenêtre grande ouverte, elle pense bien trop tardivement à éteindre la climatisation, gaspillage d'énergie qu'elle se force depuis très jeune de préserver, pour le bien être de la planète et de ses habitants. Préoccupation qui ne semble pas atteindre les autres automobilistes, bien trop occupés à se déchaîner sur leur klaxons pour réfléchir un tant soit peu quelques minutes. A croire qu'ils aiment faire du bruit pour pas grand chose, si ce n'est taper sur le système des autres, qui répondaient dés lors encore plus fort. Un cercle vicieux qu'ils entretenaient avec leurs idioties. Bande d'abrutis. Ne se départant pas de son sourire, Louise porte toute son attention sur son interlocuteur, quelque peu intriguée par son accent. Varsovie. Ses pensées l'amènent dés lors vers un paysage qu'elle ne connait que trop bien sans pour autant y avoir jamais mis les pieds. La Pologne, où elle aperçoit une chevelure blonde ainsi que l'écho d'un rire cristallin, et elle sait que la connexion s'établit, qu'elle s'empresse de briser avant même que cette autre fille, Katarzyna, ne se rende compte de quoi que ce soit. Et puis, il serait des plus fâcheux que cet étranger qu'elle vient de rencontrer la prenne pour une folle à parler dans le vide. J'ai une amie qui vit à Varsovie. Une amie qui ne vivait que dans sa tête, mais elle se passerait de détails.  C'est assez commun ici, effectivement. Au moins une fois tous les deux mois, parfois plus. Ils rejoignent Boulder's Beach. Rien d'alarmant, ces petites bêtes sont bien plus effrayées que nous. La sensitive contemple le visage du Polonais avec une certaine curiosité, notant la douceur de ses traits mais également sa forte carrure et ses yeux d'une intensité profonde. Nul doute que celui-ci faisait tourner pas mal de têtes et chavirer tout autant de coeurs. Rien d'aussi fantasque à Varsovie ?, qu'elle demande, une pointe de malice dans la voix, bien curieuse d'en apprendre plus sur lui, sans même savoir pourquoi, elle qui d'ordinaire se contente de vivre dans un monde digital.